Ces papillons traversent l'océan Atlantique en volant sur 4200 km : un voyage jamais vu auparavant

par Baptiste

02 Juillet 2024

Unsplash

Advertisement

De nombreuses espèces animales migrent, parcourant chaque année des centaines ou des milliers de kilomètres à la recherche d'un climat plus clément. Les oiseaux sont sans doute les plus connus, mais cela vaut aussi pour la Vanessa Cardui, un papillon qui vit entre l'Afrique du Nord et l'Europe du Nord. Mais en 2013, un biologiste a repéré quelques spécimens de Vanessa Cardui en Guyane française, sur la côte de l'océan Atlantique… mais du mauvais côté. Comment est-ce possible, et comment ces papillons se sont-ils retrouvés en Amérique du Sud ?

 

Advertisement

Une étude pour comprendre la migration des papillons de l'Afrique vers l'Amérique du Sud

Depuis le premier signalement de Vanessa Cardui, Gerard Talavera et son équipe de recherche ont cherché à comprendre d'où venaient ces papillons du vieux continent retrouvés dans le nouveau. Pour trouver une réponse, ils ont utilisé des outils multidisciplinaires de pointe et mené diverses analyses, dont :

  • une reconstitution des trajectoires du vent avant l'arrivée de Vanessa Cardui en Guyane française ;
  • une analyse du génome des papillons, très similaire à celle des espèces vivant en Europe et en Afrique ;
  • une analyse du génome des pollens transportés par ces papillons, provenant également de plantes originaires d'Europe et d'Afrique ;
  • une recherche sur les isotopes pouvant indiquer le lieu de naissance des spécimens de Vanessa Cardui, identifié dans certaines régions européennes.

En somme, tous les éléments recueillis montrent que ces papillons sont originaires du vieux continent. Mais alors, comment ont-ils fait pour arriver en Amérique du Sud ? Selon les chercheurs, qui ont publié leurs résultats dans la revue Nature Communications, ils auraient migré d'Afrique en suivant les courants du vent, mais pas seulement.

Advertisement

En Amérique du Sud avec les vents du Sahara : l'épopée des papillons européens

L'itinéraire des papillons Vanessa Cardui de l'Afrique à l'Amérique du Sud, poussés par les vents sahariens

Talavera et al./Nature Communications - 2024

Les papillons Vanessa Cardui ont donc traversé l'océan Atlantique, partant d'Afrique et, après un vol de 4 200 kilomètres, atteignant les côtes de la Guyane française. Si cela paraît évident, la manière dont ces insectes ont pu parcourir des milliers de kilomètres en si peu de temps l'est moins. Comme nous l'avons dit en introduction, ces papillons migrent habituellement sur « seulement » quelques centaines de kilomètres : ils ne sont certainement pas capables de traverser un océan entier. Et pourtant, c'est ce qu'ils ont fait.

Selon les chercheurs, il est possible de survoler l'océan Atlantique en un voyage de 5 à 8 jours sans escale grâce aux réserves de graisse et à un vent incroyablement favorable. Ce sont donc les vents sahariens, qui transportent des nutriments et du sable de l'Afrique à l'Amazonie, qui ont permis cette traversée. De plus, ils ont aussi transporté plusieurs spécimens de Vanessa Cardui vers un nouveau monde, jamais vu auparavant. Voici le commentaire de Roger Vila, l'un des auteurs de l'étude :

« Habituellement, nous voyons les papillons comme des symboles de fragilité et de beauté, mais la science nous montre qu'ils peuvent accomplir des exploits incroyables. Il y a encore beaucoup à découvrir sur leurs capacités. »

Perspectives de l'étude : les papillons sont-ils les seuls à migrer de la sorte ?

La découverte que certains papillons ont réussi à traverser l'océan Atlantique soulève une question naturelle : et s'ils n'étaient pas les seuls ? Les mêmes chercheurs reconnaissent qu'on a tendance à sous-estimer la capacité de dispersion des insectes et leur colonisation de nouveaux écosystèmes. En d'autres termes, la science pourrait avoir sous-estimé la fréquence de ces migrations très particulières, qui pourrait augmenter en raison des changements climatiques. En effet, l'augmentation globale des températures pourrait entraîner de nouvelles dispersions d'insectes et des modifications conséquentes des écosystèmes.

Comme on peut le supposer, nous sommes encore au début d'un nouveau champ de recherche. D'une part, il est possible de trouver aujourd'hui des espèces africaines et européennes de l'autre côté d'un océan ; d'autre part, il est nécessaire d'étudier l'impact potentiel de ces migrations sur les différents écosystèmes. Et, peut-être, de se rappeler de prendre en compte le vent : il pourrait les emmener plus loin que prévu.

Advertisement